Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 3-4.djvu/366

Cette page a été validée par deux contributeurs.

mander qui a soigné la tombe de cette pauvre jeune dame, je vous en supplie, ne dites pas que c’est moi.

Mon inquiétude, mon effroi, mon désir d’échapper à la reconnaissance légitime que méritaient mes soins désintéressés, étonnèrent vivement Claude Gérard ; il devina que je ne lui disais pas tout… Depuis un an, son influence sur moi avait beaucoup augmenté ; aussi, pressé de questions, je n’eus pas la force de lui taire mon secret, c’est-à-dire mon amour enfantin pour Régina.

Je cachai pourtant à Claude Gérard le vol du porte-feuille et de la petite croix, la honte m’empêcha toujours de lui faire cet aveu.

Je m’attendais à voir mon maître irrité contre moi ; il n’en fut rien ; seulement il me dit :

— Dans quelques années, mon enfant, je te rappellerai la confidence que tu viens de me faire ; jusque-là continue d’entretenir cette tombe avec vénération ; si l’on s’informe, je dirai que c’est moi qui ai accompli ce devoir, ou plutôt que tu as agi par mon ordre.

Régina voulut, en effet, savoir qui avait pris tant de soin du tombeau de sa mère ; avant de quitter le village, le mulâtre, domestique de confiance, se rendit lentement au presbytère pour s’enquérir du fait. Le curé était absent, mais, à son défaut, le mulâtre trouva dame Honorine qui, avec une merveilleuse présence d’esprit mercantile, répondit :

— C’est par ordre de M. le curé que notre fossoyeur a entretenu cette tombe avec tant de soin. Cet homme est payé pour cela, vous n’avez donc rien à lui donner, Monsieur. Mais votre offrande revient de droit à la