Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 3-4.djvu/359

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de la tombe, et la mort du cul-de-jatte, j’eus remis à l’instituteur les bijoux et l’écrin, il m’embrassa tendrement, tout effrayé du danger que j’avais couru, loua beaucoup mon courage, en me disant néanmoins :

— Quoique la mort… même d’un criminel, nous charge toujours d’une grave responsabilité, mon pauvre enfant… car la mort est stérile… elle n’empêche pas les crimes d’avoir été commis, et elle rend impossible le repentir ou l’expiation salutaire… la vue d’une telle profanation, la peur d’être découvert et tué par ce misérable, légitiment ce meurtre… Il me faut, à l’instant, aller chez le maire, afin de déclarer cet événement ; puis j’irai recombler cette fosse si indignement profanée ; quant à toi, mon enfant, reste ici… réchauffe-toi dans l’étable, tu es transi de froid… À mon retour nous souperons…

Claude Gérard partit ; je n’eus pas le courage de l’accompagner ; je me sentais brisé par la fatigue et par les émotions de cette journée.

Dès que l’instituteur fut éloigné, ma première pensée fut de mettre à l’abri dans un endroit secret le porte-feuille que j’avais dérobé. Ayant long-temps cherché les moyens de cacher sûrement mon larcin, je découvris d’abord, sous une des mangeoires de l’étable, un pot de grès fêlé, pareil à ceux dont on se sert dans ce pays pour conserver le lait ; le portefeuille, quoique assez épais, pouvait parfaitement tenir dans ce vase ; je l’y déposai avec soin ; puis je creusai un trou assez profond sous la mangeoire, tout auprès du mur de l’étable ; après avoir bouché l’orifice du pot avec du foin, je le cachai dans ce trou que je remplis de terre bien battue.