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— Nous allons demander de porte en porte, dans le village… notre nourriture pour la semaine prochaine, mon enfant…

Ces mots me causèrent un nouvel ébahissement.

— Le salaire que l’on m’accorde pour remplir mes fonctions d’instituteur et m’occuper des travaux que tu as partagés, cher enfant, est tellement insuffisant, que je suis obligé, comme mes confrères des autres communes, d’avoir recours à la charité publique afin d’avoir à-peu-près assuré le pain de chaque jour ; puis, la plupart de mes écoliers sont si pauvres, que leurs parents préfèrent me payer leur petite rétribution en nature… Allons, mon enfant, parle franchement :… n’est-ce pas là pour moi le comble de l’humiliation ?

— Moi, qui ai l’habitude de mendier, — dis-je à Claude Gérard, — je ne trouve pas cela humiliant… mais vous, Monsieur, vous qui êtes savant et qui rendez tant de services au village ?…

— Justement mon enfant, j’ai la conscience de rendre quelques services à tous, aussi je n’éprouve aucune humiliation à recevoir de chacun ce qu’il peut me donner, pour m’aider à vivre… puisque je n’ai pas d’autres ressources… si j’étais, au contraire, oisif, inutile ou paresseux, je commettrais une dégradante lâcheté en acceptant de pauvres gens un morceau de leur pain. Allons, viens, mon enfant, peut-être ton repas de ce soir sera-t-il moins frugal que celui d’hier, car mes petites provisions étaient épuisées…

À chaque instant, pour ainsi dire, Claude Gérard me donnait ainsi un nouvel exemple de sa résignation, rem-