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promis d’accomplir, il me faut tenir ma promesse. Quant à l’humiliation, où est-elle ? Si j’avais de l’orgueil, ne pourrais-je pas, au contraire, me dire : je fais à la fois ce que tout le monde peut faire, et ce que tout le monde ne peut pas faire… je suis donc doublement avantagé. Mais, sans raisonner ainsi, il me suffit de me dire, mon enfant, qu’il n’y a jamais d’humiliation à accomplir une tâche utile et profitable à tous.

Je ne trouvai rien à répondre.

— L’humiliation consiste-t-elle à aller jambes nues dans la vase ? Alors, mon enfant, — reprit Claude Gérard en souriant, — ces beaux Messieurs riches et nobles, qui, chaque hiver, viennent chasser dans nos marais, s’humilient bien plus profondément que moi, car ils entrent dans la bourbe jusqu’au ventre, pour le plaisir de tuer quelques pauvres oiseaux ; allons, mon enfant, du courage et du contentement au cœur… notre travail sera utile à tous… Dépêchons-nous… il faut que nous soyons de retour à midi pour préparer la classe…

Et Claude Gérard, se mettant bravement à l’œuvre, à grands coups de râteau ramena un épais limon sur la berge du lavoir, je remplissais mon seau de cette vase, et j’allais la déposer tout le long d’un grand rideau de peupliers.

Je l’avoue, l’exemple, les paroles de Claude Gérard, en relevant à mes yeux le travail auquel je participais, me le rendirent moins pénible, moins répugnant.

Mon nouveau maître, afin sans doute de m’encourager encore, me dit, au bout d’une heure :

— Ce printemps, mon enfant, nous viendrons visiter ces peupliers… Grâce au limon que tu déposes à leur