Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 3-4.djvu/337

Cette page a été validée par deux contributeurs.

semblait exorbitant qu’un instituteur fût, non-seulement fossoyeur, mais encore cureur de lavoir ; je regardai Claude Gérard avec ébahissement.

Il devina ma pensée, sourit doucement, et me dit :

— Cela t’étonne beaucoup, n’est-ce pas, mon enfant, de voir un maître d’école, un homme savant… comme on m’appelle, curer un lavoir ?

— Il est vrai, Monsieur, ça m’étonne…

— Et cela te semble humiliant pour moi, n’est-ce pas ?…

— Oui, Monsieur.

— Pourquoi cela ?

— Dam… Monsieur, quand on est savant comme vous… entrer dans la bourbe, et la ramasser avec un grand râteau, ça me semble bien humiliant.

— Écoute-moi, mon enfant… Les pauvres femmes qui viennent laver leur linge dans cette eau remplie de vase… le remportent presque aussi sale qu’elles l’avaient apporté ; de plus, il lui reste une horrible odeur de bourbe ; aussi, bien souvent les petits enfants qu’elles enveloppent de ces langes humides, infects, tombent malades, et gagnent de mauvaises fièvres ; mais, une fois le lavoir curé, la bourbe enlevée… ces malheurs n’arriveront plus.

— À la bonne heure, Monsieur… mais il y a bien d’autres personnes qui pourraient s’occuper de cela à votre place… car elles ne pourraient…

— Car elles ne pourraient me remplacer ailleurs, n’est-ce pas ?

— C’est ce que je voulais dire, Monsieur.

— Tu as raison, mais il s’agit ici d’un devoir que j’ai