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— Hélas ! mon Dieu… si les riches ne sont pas heureux… qui le sera donc ?

— Ceux-là, mon enfant, qui peuvent se dire : J’ai rempli un devoir, j’ai accompli une tâche utile, si humble qu’elle soit ; j’ai tendu la main à un plus faible ou plus malheureux que moi, je n’ai fait de tort à personne, j’ai pardonné le mal qu’on m’a fait…

Ces maximes contrastaient si vivement avec celles du cul-de-jatte, déjà si malheureusement infiltrées dans mon esprit, qu’elles m’étonnaient plus encore qu’elles ne me convainquaient. Sans doute, Claude Gérard me devina, car il reprit avec une grande douceur :

— Un jour, je l’espère, tu comprendras mes paroles… et ce soir, après cette journée, la première que tu auras passée sans avoir eu sous les yeux l’exemple du mal ou du vice,… tu me diras ce que tu penses, ce que tu éprouves,… et, qui sait ? déjà, peut-être, te sentiras-tu moins à plaindre, quoique tes privations soient les mêmes.

En devisant ainsi, la fosse avait été complètement creusée ; Claude Gérard venait de sortir de l’excavation, lorsque nous entendîmes au loin un chant funèbre accompagné de lugubres accords du serpent.

— Déjà le corps ! — dit Claude Gérard, — notre tâche a été terminée à temps !

Non loin de la fosse se trouvait un gros cyprès branchu et rabougri, auprès duquel, par l’ordre de mon maître, je portai notre pelle et notre pioche. De cet endroit, un peu culminant, j’aperçus l’enterrement : il se composait d’un prêtre en surplis, d’un chantre, d’un enfant de chœur et du serpent. Quatre paysans, vêtus