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» — Bravo, Saint Ligori ! — s’écria le bon Bouchetout triomphant, — bravo ! mon gaillard. Ah ! ah ! voilà qui clôt le bec à cette troupe d’oiseaux de proie, de sauvages carnivores que vous nommez les Pères de l’Église… Oh ! Saint Ligori, tu es mon patron, je te fêterai ! je t’encenserai ! je te ferai élever une chapelle… Voilà un homme réellement religieux et qui tient compte des choses respectables… Voilà un ami de l’ordre et de la paix, un homme bien pensant… Ah ! ah ! Monsieur l’instituteur, qu’avez-vous à répondre à cela ?

» Je répondrai, Monsieur, reprit Claude Gérard, que le bienheureux Ligori est un infâme et qu’il calomnie les riches d’une manière horrible. Non, non, jamais je ne croirai qu’un homme riche, mis en demeure de choisir entre la satisfaction de son orgueil et la mort du pauvre… sacrifie le pauvre… Quant à votre reproche, Monsieur le curé, de ne pas donner une éducation chrétienne à mes écoliers, vous voyez qu’il tombe de lui-même… Ce serait vouloir mettre ces enfants en lutte ouverte contre la loi, contre la société, que de les élever absolument dans les austères principes du christianisme, et des Pères de l’Église si impitoyables envers les riches, les égoïstes, les repus de toute sorte… Le moment n’est pas venu… Je dis au contraire à mes écoliers, lorsqu’ils ont l’âge de me comprendre ; il est surtout une chose qu’il faut d’abord respecter, mes enfants, c’est la loi, mais comme les lois sont faites par les hommes, et que parfois elles changent… Éclairez-vous, moralisez-vous, ayez conscience de vos droits, mais aussi de vos de-