Monsieur, il faut s’entendre sur ce que c’est que le nécessaire et le superflu.
» — Bien dit ! — s’écria Bouchetout — très-bien dit, car je ne regarderai jamais comme superflu d’avoir deux ou trois paires de bottes de rechange.
» — Vous êtes dans le vrai, — dis-je à Bouchetout, — car le bienheureux révérend père Ligori, de la compagnie de Jésus, sanctifié, béatifié, canonisé par notre sainte église, déclare :
» Que les gens du monde ont rarement du superflu ; qu’on ne peut en effet considérer comme superflu ce qui est nécessaire pour entretenir des domestiques, faire des cadeaux convenables, donner de grands repas, traiter ses amis, afficher une certaine magnificence.
» — À la bonne heure… vive Saint Ligori ! — s’écria Bouchetout. — Celui-là me chausse ; il est à mille piques de vos Saint Augustin, sauf Bazile, Grégoire, Chrysostome et autres sans-culottes de ce temps-là.
» — Et le révérend père Ligori va bien plus loin, — ajoutai-je, — car, une fois dans le vrai, la pente est rapide — il dit textuellement :
» — Quand le prochain se trouve dans une nécessité extrême, on est ordinairement tenu de le secourir sur les biens en quelques sortes nécessaires à la dignité du rang, je dis ordinairement, parce que si l’atteinte portée à votre rang vous paraissait un dommage plus grand que la mort du pauvre, vous ne seriez pas liés par précepte. (B. A. de Ligorio, théologie morale, lib. 2. tract. 3, no 31 et 32.)