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homme nu, ne méritera-t-il pas d’être qualifié du même nom ?

» — Ceci est un peu fort, — s’écria le bon Bouchetout, — je suis un voleur… parce que je ne me charge pas de nipper tous les gueux en guenilles…

» — Permettez. Ce n’est pas moi qui parle, Monsieur, — repartit le Claude Gérard, — c’est Saint Bazile-le-Grand, dont les paroles sont sacrées pour vous, ainsi qu’elles doivent l’être pour tout bon chrétien… Le saint père continue ainsi :

» Le pain que tu tiens en réserve est à celui qui a faim, l’habit que tu gardes dans ton armoire est à celui qui est sans vêtements ; la chaussure que tu laisses reposer chez toi est à celui qui a les pieds nus ; l’argent que tu possèdes comme enfoui dans la terre est à celui qui est dans l’indigence[1]

» Comment voulez-vous, après cela, — reprit Claude Gérard, — qu’au point de vue chrétien, j’aille reprocher à mes écoliers de vous avoir volé des noix, Monsieur le marguillier ?

» — Saint Bazile a dit ces choses monstrueuses ! — s’écria le pauvre Bouchetout stupéfait d’indignation. — Ah ! curé… curé… — ajouta-t-il en me regardant d’un air de reproche, — vous ne m’avez jamais parlé de Saint Bazile !…

» — La traduction est en regard du texte, — dit Claude Gérard en tendant le livre à Bouchetout.

» Mais celui-ci, le repoussant de la main, reprit avec colère croissante :

  1. S. Bazil. magn. de Avarit. 21. p. 328. Paris 1638.