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ment : — Père Lefèvre, voilà une caisse renfermant un homme-poisson, il n’a besoin de rien ; je lui ai mis deux carpes et une anguille pour ses repas, et…

Sans entendre davantage la justification du voiturier, la Levrasse se précipita vers la caisse, et, collant sa bouche à l’un des trous pratiqués pour donner passage à l’air :

— Léonidas… mon bonhomme… comment te trouves-tu ?

Une voix dolente répondit d’abord quelques mots en une langue inconnue, qui nous fit ouvrir de larges oreilles au voiturier et à moi. (J’ai su depuis que c’était une citation de Senèque en langue latine.) Puis la voix ajouta bientôt en français :

— Changer d’eau… changer d’eau…

— Avez-vous entendu, père Lefèvre, — dit la Levrasse au charretier, d’un air capable, — il avait d’abord tant besoin de changer d’eau, qu’il l’a dit en égyptien !

— C’était de l’égyptien !

— Du plus pur égyptien du Nil… ainsi il voulait changer d’eau ; j’en étais sûr, — reprit la Levrasse avec inquiétude, car il est, pour le changement d’eau, aussi délicat qu’une sangsue. Ah ! père Lefèvre — ajouta la Levrasse, d’un ton de reproche solennel — vous serez peut-être cause d’un grand malheur.

Puis, se retournant vers la mère Major :

— Vite !… vite !… des seaux d’eau fraîche !… il est capable d’en mourir.

Et pendant que la mère Major et moi nous allions remplir des seaux d’eau à la pompe, la Levrasse ouvrant