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si tu en as… Promets-moi surtout, dans le cas où la condition que je t’offre te paraîtrait trop triste, trop misérable, de me le dire franchement au lieu de t’échapper furtivement d’ici… parce qu’alors je tâcherais de te caser d’une manière peut-être plus conforme à tes goûts, à tes penchants, que je veux d’abord étudier… Allons, mon enfant, le jour va bientôt paraître… Tâche de reposer un peu ; j’ai moi-même besoin de sommeil… Bonsoir, Martin.

Et Claude Gérard m’ayant fait coucher sur son lit, souffla sa lumière ; bientôt je l’entendis s’étendre dans l’écurie, sur la litière.

En vain je cherchai le sommeil dont je sentais le besoin ; j’étais trop agité : je me mis à songer aux paroles de Claude Gérard.

Chose assez étrange : par cela même peut-être, qu’en me montrant l’avenir sous d’austères couleurs, il n’avait pas craint de s’adresser à mon courage, à ma bonne volonté, à mon intelligence, je me sentis encouragé, relevé à mes propres yeux, et disposé à bravement affronter cet avenir dont il ne me cachait pas l’austérité ; ma curiosité était aussi vivement excitée par la manière dont Claude Gérard avait accueilli les sauvages maximes du cul-de-jatte, dont je l’avais rapidement entretenu et dont j’étais devenu aussi quelque peu l’apôtre ; mon nouveau maître ne condamna pas ces principes, il ne s’en indigna pas, il se contenta de sourire tristement. Je tâchai de m’expliquer cette tolérance apparente en me disant que l’existence de Claude Gérard était sans doute une preuve de plus à l’appui de la théorie du cul-de-jatte ; car, bien que je connusse à peine mon protecteur, sa générosité