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À peine eus-je prononcé le nom de Duriveau, que Claude Gérard bondit sur sa chaise ; ses traits révélèrent une souffrance aussi aiguë, aussi soudaine, que s’il eût été frappé au cœur.

Après un long et silencieux accablement, il me dit avec un sourire amer :

— Toi… aussi… c’est avec douleur et aversion… que tu prononces le nom de Duriveau… n’est-ce pas ?

— Dam, — lui dis-je, surpris de cette question, — ce petit vicomte, comme ses domestiques l’appelaient, a été pour nous si méchant, si méprisant…

— Eh bien… — s’écria-t-il, — moi aussi je prononce ce nom… avec douleur… avec aversion… ce sera un lien de plus entre nous…

— Vous connaissez donc aussi ce petit vicomte, Monsieur ?… — lui dis-je, — pour vous aussi il a été méchant et méprisant ?

— Non… mais son père… oh ! son père… jamais je…

Puis, s’interrompant, Claude Gérard passa la main sur son front et se dit en haussant les épaules :

— En vérité, la douleur m’égare… Que vais-je raconter à cet enfant ?… Oh ! mes souvenirs,… mes souvenirs…

Et après un profond soupir, il me dit :

— Continue, mon ami.

Je terminai ma confession par le récit de ce qui nous était arrivé depuis notre rencontre avec les petits riches : vagabondage, mendicité, vol… je ne cachai rien.

Après m’avoir écouté avec intérêt, Claude Gérard me dit en m’embrassant :