aussi… que l’argent qu’ils m’ont pris ne m’appartient pas… que ce vol peut me causer de cruels chagrins. Si tes compagnons ont encore quelque chose dans le cœur, ils reviendront ici… avec toi… ils me rapporteront cet argent qui serait bientôt follement dépensé par eux… et ils auront ici un asile, du pain, de bons enseignements… et vous ne serez pas séparés.
— Nous ne serons pas séparés ?… — m’écriai-je.
— Non… tes camarades, je l’espère, logeront dans ce village… vous passerez dans cette école vos journées ensemble. Si, au contraire, tes compagnons… persistent dans le mal… laisse-les… Si toi-même, tu n’es pas touché de mon offre… suis-les… ne reviens plus… Mais de cruels regrets te puniront un jour, pauvre enfant.
Je restais immobile, le regard fixé sur Claude Gérard, partagé entre l’émotion que me causaient ses paroles, et la crainte de tomber dans un piège.
Étonné de ma stupeur, Claude Gérard reprit :
— Pars… qu’attends-tu ?…
— Je n’ose pas… vous voulez peut-être me tromper.
Claude Gérard haussa les épaules et me dit avec une longanimité angélique :
— Te tromper ?… Comment le pourrai-je ?… Voyons, je te crois assez résolu pour résister à mes menaces, si je voulais te forcer à me faire connaître le rendez-vous où tes camarades t’attendent ?
— Oh !… pour cela oui, vous me tueriez plutôt…
— Eh bien !… je te laisse aller seul…
— Et si vous me suivez de loin ?
— Il fait clair de lune, le pays est découvert ; si tu me vois te suivre… tu t’arrêteras…