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— Oui, c’est fini, — répondit sèchement Mme Honorine, — M. le curé l’a administrée en sortant de table, un joli pousse-café qu’il a eu là… merci…

— Pauvre jeune femme… — dit Claude Gérard avec un accent de douloureuse pitié, — mourir à cet âge… et si belle…

— Je ne plains pas les belles femmes, moi, qui toutes baronnes, toutes grandes dames qu’elles sont, se sauvent de chez leur mari avec leur amoureux, — reprit aigrement Mme Honorine.

— Cette jeune dame, depuis deux ans qu’elle habitait le village… vivait absolument seule avec sa domestique ; qu’a-t-on à lui reprocher ? — reprit Claude Gérard d’une voix sévère.

— Tiens, elle vivait seule, parce qu’avant qu’elle ne vînt ici, son amoureux l’avait plantée là pour reverdir et ç’a été joliment bien fait.

— Quelle horrible douleur pour la pauvre petite fille de cette dame !… — dit mélancoliquement Claude Gérard, — elle sera arrivée ici pour voir mourir sa mère…

— Il faut que le mari ait été encore bien benêt de la lui envoyer, sa fille…

— Ah ! Madame… n’avait-elle pas été assez punie d’en être séparée…

— Pourquoi avait-elle fait des siennes ?

— Si coupable qu’ait été une femme… peut-on lui refuser la vue de son enfant… lorsque, mourante… elle demande à l’embrasser une dernière fois ?

— Oui… je la lui aurais refusée, moi.

— Vous êtes sévère… Mme Honorine… bien sévère, vous en avez le droit.