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boche, s’était approché de Régina, comme pour la protéger.

Basquine semblait douloureusement humiliée ; elle me dit à voix basse, avec un accent de haine, et les yeux remplis de larmes d’indignation :

— Oh !… ces petits riches !

La gouvernante, un moment épouvantée, car la forêt était solitaire, et nos physionomies peu rassurantes, s’était calmée, en pensant qu’elle n’avait affaire, après tout, qu’à des enfants ; aussi reprit-elle avec autant de mépris que de courroux :

— A-t-on vu de pareils petits va-nu-pieds, recevoir avec une telle insolence l’aumône qu’on daigne leur faire !…

Bamboche, après sa première explosion de colère, était resté un instant silencieux, jetant autour de lui des regards sombres, comme s’il eût médité quelque projet sinistre.

Soudain, avec l’agilité d’un chat sauvage, s’élançant à l’improviste sur la gouvernante, il la saisit au cou et me cria :

— Martin… empoigne les deux gamins… Basquine, tiens bien la petite.

Je me précipitai sur Robert, qui prit bravement une carafe, et me la jeta à la tête ; j’évitai le coup, et enserrant mon adversaire à bras-le-corps, leste et vigoureux comme je l’étais devenu, je le terrassai facilement, tandis que Scipion, naturellement courageux, se cramponnait à mes jambes, et tâchait de me mordre ; mais, mon genou appuyé sur la poitrine de Robert, et une de mes mains suffisant à le contenir, de l’autre main j’at-