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gâté qui est cause que la voiture s’est éloignée, et voici l’orage approche…

— Qu’est-ce que ça me fait, à moi ?… Je veux de la crème, et j’en aurai, — dit Scipion.

La gouvernante haussa les épaules, et s’adressant à Bamboche qui, humble, les yeux baissés, le front baigné de sueur, attendait respectueusement une réponse à nos demandes ; cette femme lui dit :

— Je suis la gouvernante de M. Scipion, fils de M. le comte Duriveau ; M. Robert et Mlle Régina m’ont été confiés par leurs parents pour venir goûter avec M. Scipion ; je ne puis donc pas prendre sur moi de me charger de vous… et de vos camarades, car ce que vous me demandez est fou… est absurde. En vérité, si l’on se chargeait de tous les petits mendiants que l’on rencontre… Allons, c’est ridicule.

— Ma bonne dame, — reprit Bamboche d’une voix suppliante en faisant un dernier effort pour attendrir cette femme, — si vous saviez notre position,… d’un moment à l’autre on peut nous arrêter comme vagabonds… nous mettre en prison… oui, en prison… jusqu’à dix-huit ans… et pourquoi ? parce que nous sommes seuls, abandonnés… et pourtant, qu’est-ce que nous demandons ? un peu d’appui et les moyens de travailler, du pain, de l’eau, de la paille et un bon apprentissage… voilà tout… Quel est le riche qui ne peut donner cette aumône au pauvre, quand il la demande du fond du cœur… et les larmes aux yeux ?…

En effet, deux larmes coulèrent sur les joues creuses de Bamboche.