Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 3-4.djvu/228

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ouverture béante, que Mouton, étranglant, toussant, crachant, renâclant, se mit à pousser des hurlements strangulés les plus pitoyables du monde, pendant que son maître, toujours ses mains à ses yeux, poussait de son côté des cris furieux, en trébuchant à chaque pas qu’il voulait faire.

Sans perdre un moment, nous traversâmes la masure en courant, et suivant le sentier que nous connaissions déjà, nous atteignîmes la rivière ; nous la passâmes à gué, en portant Basquine sur nos épaules, puis, marchant rapidement, nous atteignîmes une des parties les plus fourrées de la forêt.

— Faut-il que cet homme ait été méchant, pour venir nous tourmenter dans cette île, où nous ne faisions de mal à personne, — dit Basquine, lorsque notre course moins précipitée nous permit de réfléchir à notre position critique.

— C’est triste, — répondit Bamboche d’un air pensif, — l’éveil sera donnée… sur nous. Si l’on nous attrape… la prison…

— Comment… c’est vrai ? — lui dis-je, — parce que nous sommes de pauvres enfants abandonnés… La prison ?

— Oui, cet homme ne mentait pas ; quand j’ai été arrêté avec le cul-de-jatte, les gendarmes m’ont dit la même chose. Tu n’as personne pour te réclamer… Tu n’as pas d’asile… en prison… vagabond… et on m’y conduisait ; mais nous deux, le cul-de-jatte, nous avons pu nous échapper.

— Mon Dieu… qu’allons-nous faire ? — lui dis-je.