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ans, mes gaillards… Ah ! ah !… vous ne vous attendiez pas à celle-là ?

— En prison, jusqu’à dix-huit ans, — s’écria Bamboche, en regardant du coin de l’œil, si j’arrivais.

— En prison… parce que nous sommes sans père ni mère, — dit Basquine, en joignant les mains ; — en prison, parce que nous avons mangé quelques pommes de terre ramassées-là ?…

— Oui, en prison, c’est comme ça, — dit le garde-champêtre ; — finalement, suivez-moi chez M. le maire… assez causé, galopins… allons en route, ou j’en prends deux par les oreilles, et je charge Mouton de m’apporter le troisième… Ici, Mouton, — ajouta le garde-champêtre, en appelant son terrible chien.

Soudain Bamboche qui, tout en parlant, avait pour ainsi dire, tourné le garde-champêtre, se précipita sur lui, le saisit à bras-le-corps par-derrière, et me fit signe, et, au même moment, je lui jetai la cendre aux yeux.

J’exécutai l’ordre de Bamboche avec dextérité : la grosse tête du garde-champêtre disparut au milieu d’un épais nuage de cendre.

Le malheureux fonctionnaire, momentanément aveuglé, porta ses deux mains à ses yeux, trépignant de douleur, nous accablant d’injures, et criant à son chien :

— Mords-les… Mouton… apporte…

Mais Bamboche, après avoir quitté les mains du garde-champêtre, avait aussitôt ramassé deux poignées de sable, et au moment où Mouton se précipitait sur lui en aboyant, et en ouvrant une gueule énorme, Bamboche lança si prestement le gravier dans cette