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que les oiseaux, et nous n’aurions pas le droit de faire ce qu’ils font ? Nous n’aurions pas comme eux le droit de picorer pour vivre ?

Je l’avoue, ce dilemme m’embarrassa fort, et je ne pus y répondre.

Je n’avais d’ailleurs, comme tant d’autres enfants abandonnés, aucune notion du bien et du mal, du juste et de l’injuste. Je me trompe, j’avais du moins retenu quelques sévères paroles de mon maître Limousin contre le vol ; mais ces paroles, simplement affirmatives, ne pouvaient laisser des traces bien profondes dans mon esprit, et lutter surtout contre les séduisants paradoxes de mon compagnon, car je l’avoue, cette vie buissonnière et ailée, passée avec Bamboche et Basquine, cette vie libre et aventureuse, alimentée par les aumônes des bonnes gens, et, au pis aller, par des moyens hasardeux, me paraissait l’idéal du bonheur.