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tout-à-l’heure ton vin sucré, — me dit la Levrasse, en m’ouvrant la porte du compartiment de devant.

— Il y a un matelas par terre… tu t’étendras là-dessus et tu dormiras comme un roi.

Il m’était impossible d’éluder cet ordre ou de me refuser à l’exécuter ; j’obéis machinalement, et jetant à Basquine un regard consterné, j’allais entrer dans ce que l’on appelait le magasin… Mais soudain la mère Major, ouvrant la porte de la cabine, dit vivement à la Levrasse :

— Viens donc, mon homme… Poireau a une fameuse idée.

La Levrasse nous laissa seuls et, en rentrant dans la cabine, referma la porte sur lui.

— Nous ne boirons pas ce vin sucré, et tu ne me quitteras pas… cette nuit, — s’écria Basquine.

Et pâle, tremblante, la figure bouleversée, elle se jeta dans mes bras en me disant :

— Oh !… j’ai peur.

Sans répondre à Basquine, je courus pousser le verrou de la porte par laquelle la Levrasse venait de disparaître.

J’avais encore la main sur ce verrou, lorsque la Levrasse, voulant rentrer dans le vestiaire où nous étions, s’écria aussitôt avec un accent de colère et de surprise :

— Comment !… vous êtes enfermés !…

Haletants, épouvantés, nous ne répondîmes pas.

— Allons, voyons, — dit la Levrasse, d’une voix radoucie et mielleuse, — ouvrez, petits farceurs. C’est donc le jour aujourd’hui ? Bamboche se cache, vous deux vous vous enfermez… C’est très-drôle, très-amu-