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CHAPITRE XV.


le souper.


La place qui nous avait été désignée pour faire nos exercices, se trouvant assez loin des dernières maisons de Senlis, nous habitions dans la voiture nomade.

Quoique la recette eût été considérable, le souper qui suivit la représentation fut triste, contraint. La nuit était magnifique ; nous soupâmes sous notre tente. La mère Major, intérieurement courroucée, sans doute, d’avoir perdu l’occasion de tuer ou de blesser mortellement Basquine, en la faisant choir du faîte de la pyramide humaine, restait silencieuse, jetant de temps à autre un regard farouche sur le paillasse. Celui-ci buvait largement. Mais son habituelle faconde, ordurière et obscène, s’était presque entièrement éteinte ce soir-là. L’homme-poisson, timide comme toujours, mangeait discrètement, se faisait petit pour ne gêner personne, tâchant de ne pas attirer l’attention, afin d’échapper aux brutalités accoutumées du pitre.

La Levrasse semblait profondément préoccupée ; quoiqu’il fût généralement assez sobre, il buvait coup sur coup de grands verres de vin ; on eût dit qu’il