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épaules, seul point d’appui des pieds de Basquine, l’enfant fut obligée de faire un ou deux mouvements presque imperceptibles afin de rétablir et de conserver son parfait équilibre.

Soudain, les mots du paillasse : — Tu peux la tuer en toussant — me revinrent à la pensée…

Je compris tout…

Pour que l’exercice de la pyramide humaine fût complet, nous devions, moi et Bamboche, remplacer Basquine sur les épaules de la mère Major, afin que l’enfant, s’élevant à son tour sur nos épaules, à nous, y pût rester debout, les bras croisés.

Un mouvement brusque de la mère Major, qui nous supportait tous trois, suffisait donc pour amener l’écroulement de la pyramide humaine et la chute de Basquine, chute de neuf à dix pieds de haut, peut-être mortelle, mais inévitablement des plus dangereuses pour un enfant d’un âge aussi tendre… Or, ce mouvement inattendu, la mère Major pouvait parfaitement et impunément le produire en feignant un violent accès de toux qui, ébranlant soudain sa massive personne, nous faisait perdre à tous trois un équilibre déjà très-difficile à garder.

Ce raisonnement me vint à l’esprit avec la rapidité de l’éclair, à l’instant même où la mère Major s’arrêtait au milieu du cirque et où Basquine glissait à terre, afin de nous laisser prendre d’abord sa place sur les épaules du colosse féminin.

Prévenir Bamboche de mes craintes… impossible : nous étions encore séparés par l’énorme rotondité de la mère Major. J’aurais dû refuser net de concourir à