connais le voiturier qui l’amènera : c’est un brave homme ; j’ai pris une grande corde dans le grenier, j’y ai fait des nœuds, je l’ai bien cachée : il y a une lucarne qui donne sur les champs, tu pourras y passer, puisque moi, qui suis plus grand que toi, j’ai essayé et que j’y passe…
— Moi y passer ? et pourquoi ?
— Attends donc… j’attacherai la corde d’avance, j’ai pris un pieu exprès ; sitôt que la voiture, qui aura amené l’homme-poisson, sortira d’ici, tu fileras par la lucarne ; tu prieras le voiturier de t’emmener avec lui et de te cacher jusqu’à ce que tu sois à trois ou quatre lieues d’ici. Une fois hors des pattes de la Levrasse, tu trouveras bien quelque part des maçons à servir, ou bien tu demanderas l’aumône en attendant.
À cette proposition mon cœur se brisa ;… j’interrompis Bamboche par mes larmes.
— Qu’est-ce que tu as ? — me demanda-t-il brusquement.
— Tu ne m’aimes pas, — lui dis-je tristement.
— Moi ! — s’écria-t-il d’un ton de reproche courroucé… — moi !… et je tâche de te faire sauver d’ici… voilà quinze jours que j’y pense. Je ne te parlais de rien pour ne pas te donner de fausse joie ! et voilà comme tu me reçois !
— Oui, — repris-je avec amertume, — ça t’est bien égal que je m’en aille… tu ne tiens pas à moi…
À ces mots Bamboche tomba sur moi à grands coups de poing.
Bien qu’habitué aux singulières façons de mon ami, cette brusque attaque, dont je ne comprenais pas alors