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grande commisération sans doute, et se sentait disposée à l’aimer comme un frère, parce que, selon mes paroles, il l’aimait, lui, comme une sœur ; parce qu’il avait été jusqu’alors très-malheureux, et qu’il avait même bravé les plus mauvais traitements pour attendre le jour où elle devait faire partie de notre troupe… Mais de ce dernier trait d’affection un peu romanesque pour cet âge, Basquine semblait plus étonnée que touchée ; la seule chose qui frappât cette naïve et innocente créature, fut le malheur auquel Bamboche était voue depuis son enfance, car, après m’avoir écouté dans un silence rêveur, elle me dit :

— Tu ne sais pas ? quand papa viendra me chercher, il faudra qu’il emmène aussi Bamboche, puisque ici on est tant méchant pour lui… Chez nous, vois-tu ? quelquefois nous avons bien faim, bien froid, mais nous ne demandons pas l’aumône ; papa et maman ne nous battent jamais, parce que nous ne faisons jamais mal… Nous ne sommes pas menteurs, nous sommes sages, nous apprenons ce que maman nous montre… sans cela elle aurait beaucoup de chagrin ; et nous prions la bonne sainte Vierge pour nous et pour ceux qui sont encore plus malheureux que nous… Aussi, vois-tu, — reprit-elle après un moment de réflexion et avec une grâce charmante, — comme ça j’aurai prié la bonne Vierge pour Bamboche sans le savoir, et elle l’aura protégé, puisque papa l’emmènera avec nous… pour qu’il ne soit plus battu ici…

Quoique cette protection de la sainte Vierge me parût, cette fois encore, des moins efficaces, je n’osai pas troubler l’espérance de Basquine, et je lui répondis :