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nocence, le cynisme tranquille avec lequel cette Messaline de carrefour et le paillasse s’abandonnaient sans scrupule à leur amour immonde, m’eût révélé ce que mon jeune compagnon m’avait appris… m’eût révélé ce que Basquine, cette enfant si pure, si candide, devait bientôt apprendre… dans ce milieu de dépravation effrontée où elle était désormais destinée à vivre… pauvre petit agneau sans tache, jeté presque en naissant au milieu de cette fange.

Mais je ne veux pas anticiper sur de poignantes, sur d’horribles révélations ; elles ne viendront que trop tôt, et il me faut du courage pour me rappeler cette époque de ma vie… courage d’autant plus grand que, grâce à mon commerce ingénu avec le vice, je n’éprouvais alors aucune indignation contre ce qui m’indigne à cette heure.

La Levrasse parti, la mère Major et Poireau, absorbés dans leur amour, Bamboche et Basquine alités, nous restions seuls, l’homme-poisson et moi, pour veiller deux malades et nous occuper du ménage.

Les soins domestiques, tels que cuisine, entretien et surveillance des habits de la troupe, du matériel, etc., avaient été délégués à l’homme-poisson, de par l’autorité de Poireau, qui tranchait du dictateur. Je ne sais pourquoi il avait tout d’abord conçu une profonde aversion pour Léonidas Requin, qu’il se plaisait à vexer, à tourmenter, à injurier, à battre avec une opiniâtre et lâche méchanceté ; car Léonidas, malgré son nom héroïque, était le plus inoffensif et le plus craintif des hommes ; mais le digne lauréat universitaire, appelant à son aide la philosophie stoïque et les maximes de son divin