Bamboche haussait les épaules à cette imagination naïvement romanesque.
— Son père meurt de faim, — me répondit-il, — est-ce qu’il peut prendre des domestiques ?… et puis il nous prendrait, que je n’en serais pas plus avancé.
— Comment cela ?…
— Es-tu simple !… est-ce que son père, sa mère, ses frères ne me gêneraient pas ? Est-ce qu’elle et moi nous serions libres comme nous le serons dans la troupe de la Levrasse, en attendant le moment où nous prendrons notre volée ?
— Ah ! mon Dieu ! — m’écriai-je tout-à-coup, frappé d’une idée subite.
— Qu’as-tu ?
— Tu es fou de Jeannette… tu veux te sauver avec elle… mais si elle allait ne pas t’aimer ; as-tu pensé à cela ?
— Quelquefois.
— Eh bien !… que ferais-tu ?
— Je la battrais jusqu’à ce qu’elle m’aime…
— Tu la battras… — m’écriai-je, — cette pauvre petite… tu la battras !
— Ça me coûtera… mais tant pis…
— Tu la battras pour te faire aimer ! — répétai-je stupéfait ; — mais elle te détestera au contraire.
Bamboche sourit de ma candeur et me dit avec un accent d’énergie farouche et d’assurance incroyables :
— Pour se faire aimer des femmes, il faut s’en faire craindre… le cul-de-jatte me l’a dit cent fois ; il a eu des maîtresses qui se battaient à coups de couteau à cause de lui ; pour lui elles se seraient mises dans le feu,