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mains de la Chouette ; errant sans pain, sans asile, âgée de huit ans à peine, on l’arrête comme vagabonde, on la met en prison… Ah ! cela a été le meilleur temps de la vie de votre fille… madame… Oui, dans sa geôle, chaque soir elle remerciait Dieu de ne plus souffrir du froid, de la faim, et de ne plus être battue. Et c’est dans une prison qu’elle a passé les années les plus précieuses de la vie d’une jeune fille, ces années qu’une tendre mère entoure toujours d’une sollicitude si pieuse et si jalouse ; oui, au lieu d’atteindre ses seize ans environnée de soins tutélaires, de nobles enseignements, votre fille n’a connu que la brutale indifférence des geôliers ; et puis, un jour, dans sa féroce insouciance, la société l’a jetée, innocente et pure, belle et candide, au milieu de la fange de la grande ville… Malheureuse enfant… abandonnée… sans soutien, sans conseil, livrée à tous les hasards de la misère et du vice !… Oh ! — s’écria Rodolphe, en donnant un libre cours aux sanglots qui l’étouffaient — votre cœur est endurci, votre égoïsme impitoyable, mais vous auriez pleuré… oui… vous auriez pleuré, en entendant le récit dé-