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les tribunaux civils il ne s’agit pas d’avancer 15 fr. — Pour lancer une assignation, les frais sont énormes ; peu de procès coûtent moins de 50 fr. ; il s’agit donc, pour le journalier, du prix de vingt-cinq journées de travail, c’est-à-dire que pendant vingt-cinq jours il ne donnera pas de pain à sa famille, ou grèvera son avenir d’un passif qu’il payera Dieu sait quand. Que fera-t-il ? Il ira chez le juge de paix, qui citera les parties par lettres ; le défendeur ne se rendra pas devant le magistrat, l’ouvrier sera obligé de le faire assigner, c’est-à-dire qu’il faudra qu’il fasse l’avance des fonds nécessaires : indigence trouve peu de crédit. Si le journalier ne peut faire valoir ses droits, le débiteur abusera de cette misérable position, il ne le payera pas, ou le réduira à subir des transactions désastreuses. »

Et plus loin (page 274) :

« Si l’ouvrier maltraite sa femme, s’il passe sa vie dans les cabarets et dans les maisons de débauche, s’il force sa compagne à travailler seule pour les faire vivre tous deux, s’il la contraint de se prostituer au profit de la communauté, qui défendra cette malheureuse contre son infortune ? Elle gagne 75 centimes à 1 franc par jour. »

Nous le répétons : si modérés que soient les frais de justice civile, ils sont matériellement inabordables aux classes pauvres.

Dans le même chapitre, nous tâchions de peindre les douleurs et l’effroi d’une malheureuse mère qui craint de voir son mari chercher un lucre infâme dans la prostitution de sa propre fille.