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moitié, par la production du jugement obtenu en police correctionnelle pour sévices et violences, il restera toujours 200 fr. de frais, 100 même si l’on veut… Eh bien ! ceux qui connaissent la position des classes ouvrières diront comme nous que 100 fr. est une somme non pas difficile, mais impossible à réaliser, pour une mère de famille qui, gagnant à peine trente sous par jour, est obligée d’entretenir et de nourrir elle et ses enfants avec cette somme.

Pour réaliser 100 fr., il lui faudrait ne pas vivre, elle et sa famille, pendant plus de deux mois.

Un officier judiciaire nous a objecté qu’un magistrat pouvait, préventivement et en vertu de son pouvoir discrétionnaire, ordonner d’expulser un mari violent et débauché du domicile conjugal.

Soit : ceci est une mesure transitoire ; mais la séparation légale, efficace, définitive, ne peut s’obtenir que par un jugement ressortissant d’un tribunal civil, et, nous le répétons, nous le prouvons, il est impossible aux pauvres de subvenir aux frais de ce jugement.

Nous convenons de notre peu d’autorité comme légiste ; c’est le seul bon sens qui nous a toujours guidé dans nos nombreuses observations critiques : laissons parler un magistrat, auteur d’un noble et beau livre où respire la plus touchante, la plus intelligente philanthropie, unie à un sentiment religieux d’une haute élévation[1].

« Les pauvres ont le droit de plaider ; mais devant

  1. Travail et Salaire, par M. Prosper Tarbé, substitut du procureur du roi à Reims. — Paris, 1841.