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pitié… Que voulez-vous que je vous dise pourtant ? je ne cherche pas à nier mes torts… je veux seulement vous expliquer l’entraînement fatal qui les a causés. Eh bien ! oui, dussiez-vous encore m’accabler de sanglants sarcasmes, je tâcherai d’aller jusqu’au bout de cette confession, je tâcherai de vous faire comprendre cette exaltation fiévreuse qui m’a perdu, parce qu’alors peut-être vous me plaindrez… Oui, car on plaint un fou… et j’étais fou… Fermant les yeux, je m’abandonnais à l’étincelant tourbillon dans lequel j’entraînais avec moi les femmes les plus charmantes, les hommes les plus aimables. M’arrêter, le pouvais-je ? Autant dire au poète qui s’épuise, et dont le génie dévore la santé : Arrêtez-vous au milieu de l’inspiration qui vous emporte !… Non, je ne pouvais pas, moi !… moi !… abdiquer cette royauté que j’exerçais, et rentrer honteux, ruiné, moqué, dans la plèbe inconnue ; donner ce triomphe à mes envieux que j’avais jusqu’alors défiés, dominés, écrasés !… Non, non, je ne le pouvais pas !… volontairement du moins. Vint le jour fatal où pour la première fois l’argent m’a manqué. Je fus surpris comme si ce