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dès mon enfance… je m’en étais fait une habitude… un besoin… Ignorant combien il était difficile de gagner de l’argent, je le prodiguais sans mesure… Malheureusement… et je dis malheureusement parce que cela m’a perdu, mes dépenses, toutes folles qu’elles étaient, furent remarquables par leur élégance… À force de goût, j’éclipsai des gens dix fois plus riches que moi… Ce premier succès m’enivra, je devins homme de luxe comme on devient homme de guerre, homme d’État ; oui, j’aimai le luxe, non par ostentation vulgaire, mais je l’aimai comme le peintre aime la peinture, comme le poète aime la poésie ; comme tout artiste, j’étais jaloux de mon œuvre… et mon œuvre, à moi, c’était mon luxe. Je sacrifiai tout à sa perfection… Je le voulus beau, grand, complet, splendidement harmonieux en toutes choses… depuis mon écurie jusqu’à ma table, depuis mon habit jusqu’à ma maison… Je voulus que ma vie fût comme un enseignement de goût et d’élégance. Comme un artiste enfin, j’étais à la fois avide des applaudissements de la foule et de l’admiration des gens d’élite ; ce succès si rare, je l’obtins…