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bonheur, car c’est moi qui fais votre mariage… — Hélas ! j’étais loin de comprendre alors le véritable sens de ses paroles. Notre mariage avait eu lieu à onze heures ; aussitôt après nous montâmes en voiture… suivis d’une femme à moi et du vieux valet de chambre de M. d’Harville ; nous voyagions si rapidement que nous devions être à Paris avant dix heures du soir.

J’aurais été étonnée du silence et de la mélancolie de M. d’Harville, si je n’avais su qu’il avait, comme il disait, le bonheur triste. J’étais moi-même péniblement émue, je revenais à Paris pour la première fois depuis la mort de ma mère ; et puis, quoique je n’eusse guère de raison de regretter la maison paternelle, j’y étais chez moi… et je la quittai pour une maison où tout me serait nouveau, inconnu ; où j’allais arriver seule avec mon mari, que je connaissais à peine depuis six semaines, et qui la veille encore ne m’eût pas dit un mot qui ne fût empreint d’une formalité respectueuse. Peut-être ne tient-on pas assez compte de la crainte que nous cause ce brusque changement de ton et de manières auquel les