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moins quand ils sentiraient l’âge diminuer leurs forces, au lieu de s’en désespérer, ils penseraient que l’heure du repos serait proche, et ils béniraient le ciel.

« Malheureusement le favoritisme, qui, de nos jours, s’étend à tout, envahit tout, s’est emparé des bourses de Bicêtre, et ce sont en grande partie d’anciens domestiques qui jouissent de ces retraites, grâce à l’influence de leurs derniers maîtres. »

Cela est vrai ! il est des riches qui font concurrence aux artisans et, vous le comprenez, la lutte est trop inégale pour que les derniers ne succombent point. En effet, quels sont les titres de l’ouvrier ? Il a travaillé pendant cinquante ans sans relâche et sans plainte ; un jour arrive où sa santé se trouve ruinée par l’excès des labeurs et, vieux, infirme, il vient demander une part au dîner et une place au dortoir des pauvres. C’est bien quelque chose et cela mériterait considération, si monsieur tel ou tel n’avait réclamé la bourse vacante pour un de ses valets, brave vieillard qui servait son père, qui l’a servi, et cela avec zèle et probité. La place est donnée au domestique et il ne reste à l’artisan que le vagabondage et la mendicité. Il est vrai qu’on pourrait bien répondre à monsieur tel ou tel qu’autrefois aussi on avait de vieux domestiques, mais que l’on ne chargeait pas l’État de les nourrir quand l’âge les faisait inutiles. La reconnaissance s’exerçait à leur égard d’une tout autre façon. Ces vieux serviteurs devenaient en quelque sorte membres de la famille ; on ne réclamait plus rien d’eux et ils s’éteignaient paisiblement au milieu des enfants de ceux dont ils avaient servi les pères. Mais cette réponse pourrait offenser monsieur tel ou tel, et vous concevez qu’une injustice est préférable.