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le pauvre entre l’hospice au nom saint et sacré de la charité qu’il doit être traité avec compassion, avec respect, car le malheur a sa majesté. »


DIX-NEUVIÈME ARTICLE.


Les grilles de Bicêtre sont ouvertes, entrons. Oh ! suivez-moi sans crainte ; voyez, la pelouse est toute fleurie de blanches pâquerettes, les oiseaux chantent, le soleil reluit et rien de ce côté n’attriste l’âme. Ces bons pauvres qui se réchauffent paisiblement au foyer de Dieu, sont modestement vêtus ; mais on ne voit pas grimacer la misère à leurs coudes ou à leurs genoux. N’est-ce pas une bonne retraite que celle-là, et la vie qui s’y écoule ne doit-elle pas être calme et heureuse ? Oh ! M. Sue a raison :

« Bicêtre serait le rêve de l’artisan veuf ou célibataire qui, après une longue vie de privations, de travail et de probité, trouverait là le repos, le bien-être qu’il n’a jamais connus. »

En France, un hospice de travailleurs manque absolument ; aussi, rien de plus triste, de plus amer, de plus décoloré que la vie des artisans. Matelots privés de la lueur secourable du phare, ils travaillent machinalement et jamais un rayon doré d’espérance ne se glisse dans leur nuit. Pauvres au berceau, ils ont une enfance pénible, une dure jeunesse, et une vieillesse bien plus dure et bien plus pénible encore. C’est qu’en effet, si chaque jour amène son pain, c’est tout ! Et la vie est bien longue et bien pesante quand il faut se mettre à l’œuvre dès le matin pour gagner le repas du soir. Si Bicêtre leur était permis, ce serait le but vers lequel ils marcheraient ; et du