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DIX-HUITIÈME ARTICLE.


Quoique entraîné vers le dénoûment de son œuvre, M. Sue trouve encore le moyen de faire surgir çà et là quelque bonne et belle pensée au milieu des nombreux acteurs qu’il est obligé de rapprocher. Jamais les vices de notre organisation sociale, jamais les divers modes de l’exploitation du pauvre n’avaient été dénoncés avec plus d’énergie et de talent. Aujourd’hui M. Sue entre dans un hospice, et y dévoile des mystères qu’on n’oserait soupçonner.

Beaucoup de médecins, et nous voulons parler de ceux-là qu’on nomme les princes de la science, ont la funeste manie d’essayer les nouveaux traitements sur les malheureux que la misère amène à l’hôpital. Aveuglés par l’amour de la science, ils oublient toutes notions d’humanité et, comme si les malades étaient une chose à eux, ils expérimentent, sans songer, mon Dieu ! que l’expérience peut tuer l’être faible et souffrant qu’ils ont choisi pour sujet. Comme Benvenuto, je crois, qui poignarda son modèle en travaillant au crucifix du palais Pitti, ces médecins ne voient que la science et pensent bien consciencieusement que la vie d’un homme pèse peu de chose à côté d’une découverte.

Faites avancer la science, dit M. E. Sue, « mais tenter vos aventureuses médications sur de malheureux artisans dont l’hospice est le seul refuge lorsque la maladie les accable, mais essayer un traitement peut être funeste sur des gens que la misère vous livre confiants et désarmés… à vous leur seul espoir, à vous qui ne répondez de leur vie qu’à Dieu, savez-vous que cela serait pousser l’amour de la science jusqu’à l’inhumanité ?…