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gissent douloureuses et amères, on ne se sent pas la force de demander quelques exceptions.

Dernièrement encore, nous avons assisté à une scène qu’aucune expression ne pourrait qualifier. Une pauvre femme, septuagénaire et infirme, se traînait à la porte d’un notaire qui venait de faire banqueroute et demandait en pleurant : Mon argent, mon pauvre argent. Cette femme se trouvait dans la faillite pour six cents francs. Six cents francs, somme bien mesquine en apparence ; mais cette misère était une fortune pour la malheureuse femme, c’était le fruit de cinquante ans d’économie ! et songez ce qu’il avait fallu de parcimonie et de patience pour amasser si peu de chose. Cette femme n’avait d’autre industrie que de vendre de la salade qu’elle criait par les rues. Pendant deux heures elle resta près de la porte, usant sa voix et ses larmes à redemander et à pleurer son argent ; puis lasse et à demi morte, elle s’en fut. Dix minutes après, le notaire sortait de chez lui, le fusil sur l’épaule, et s’en allait ouvrir la chasse dans la propriété de sa femme.

« Plus les crimes sont graves, plus ils compromettent l’existence des familles, plus ils portent atteinte à la sécurité, à la moralité publique… moins ils sont punis. De sorte que plus les coupables ont de lumières, d’intelligence, de bien-être et de considération, plus la loi se montre indulgente pour eux. Frappez impitoyablement le pauvre, s’il attente au bien d’autrui, mais frappez impitoyablement aussi l’officier public qui attente au bien de ses clients. »

Oui ! frappez tous ces loups-cerviers qui déchirent impunément aujourd’hui ! attachez au pilori de l’infamie tous ces saint Vincent-de-Paul du notariat qui