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l’argent qu’on lui a confié ; ainsi le filou qui crochette une porte pour dérober quelques mauvaises nippes dans un grenier, est plus coupable que le notaire qui brise son serment !… Mais le serment est chose bien plus inviolable qu’une porte ! Mais emporter un dépôt est un fait bien autrement grave que de dérober quelques pièces de monnaie ; mais enfin, entre le goujat stupide et le notaire éclairé, le plus misérable, le plus criminel ce n’est pas le premier, en faveur duquel on peut du moins alléguer l’ignorance et le besoin.

Ô justice ! quels funestes effets résultent de ta coupable préférence ! La confiance publique est morte et ceux qui furent trompés tant de fois appliquent aux notaires ce que Polybe disait des Grecs : « Demandez-leur douze cautions et douze serments et, quand ils vous les auront donnés, ne dormez pas tranquilles. »

Cela est injuste, souverainement injuste, il se trouve parmi les officiers publics des hommes notoirement honorables et qui ne devraient, comme la femme de César, pas même être soupçonnés ; s’ils portent la peine de ce qu’ils n’ont point fait, s’il leur faut fléchir sous le poids de la défiance, c’est que le malheur ne raisonne pas. Quand on a vu, comme nous, arriver les clients par centaines à la porte d’une étude fermée de la veille, et demander avec des larmes l’argent qu’on leur avait volé, on comprend et on excuse cette injustice. On rencontre là des mères qui comptaient sur leur petit pécule pour élever leurs enfants, de pauvres domestiques qui espéraient, grâce à leurs économies, pouvoir quitter, un jour, le collier de servitude que la misère leur avait rivé ; d’autres qui, réduits au plus complet dénûment, se voient obligés de se courber sous ce joug si lourd et si humiliant de la domesticité et, au milieu des imprécations qui sur-