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connue et si justement redoutée, que celui qui en sort est partout un sujet de mépris, d’aversion et d’épouvante ; serait-il vingt fois homme de bien, il ne trouvera presque nulle part de l’occupation. »

Non ! la société ne fait pas son devoir ! Après l’expiation de la faute, elle ne sait pas réhabiliter l’ex-criminel ; et l’incurie profonde qu’elle témoigne à son égard, ramène forcément ce dernier au degré d’abaissement et de honte où il était descendu. Que la justice atteigne et frappe le coupable, rien de mieux ; mais que le châtiment dure lorsque la faute est lavée, voici ce que nous ne saurions admettre : car Dieu pardonne au repentir, Dieu pardonne à qui a beaucoup souffert ; et pourtant, le repentir et la souffrance ne sont d’aucun poids dans la balance des hommes.

Nous ne blâmons pas cette surveillance que s’arroge la société sur les hommes qui sont sortis de ses prisons ou de ses bagnes. Il lui faut des garanties, nous le concevons ; il faut qu’on ne lui nuise plus : mais il serait utile pour cela qu’elle mît les libérés en état de revenir au bien, et voilà justement ce qu’elle néglige.

Cette surveillance dont nous venons de parler, « cette surveillance flétrissante exile le réclusionnaire libéré dans de petites localités où ses antécédents doivent être immédiatement connus, et où il n’aura aucun moyen d’exercer les industries exceptionnelles souvent imposées aux détenus par les fermiers de travail des maisons centrales. »

Oui ! la justice fait ainsi ; au sortir de la prison, elle relègue le libéré dans les bourgades, et cela sous le prétexte spécieux qu’il est plus que partout ailleurs sous la main de ses exécuteurs.