égaux devant ce roi populaire qui exerçait lui-même l’importante mission de juger entre les hommes.
Si jamais il en a été ainsi, nous devons l’avouer avec Pique-Vinaigre, les temps sont changés.
« La justice, dit-il avec un éclat de rire sardonique, c’est comme la viande… c’est trop cher pour que les pauvres en mangent… Seulement, entendons-nous ; s’il s’agit de les envoyer à Melun, de les mettre au carcan ou de les jeter aux galères, c’est une autre affaire… on leur donne cette justice-là gratis. Si on leur coupe le cou… c’est encore gratis, toujours gratis.
» Mais la justice qui empêcherait une honnête mère de famille d’ètre battue et dépouillée par un gueux de mari qui veut et peut faire argent de sa fille… cette justice-là coûte 500 francs. »
Qui ne songera avec amertume qu’après tant de siècles, après tant de révolutions, après tant de luttes où le bras et la pensée ont si vaillamment combattu, nous ne sommes arrivés qu’à une honteuse égalité, celle de l’argent, et que le pauvre, par cela seul qu’il est pauvre, se trouve en dehors de nos institutions et de nos lois. La justice qui punit vient le chercher sous son toit et le condamne s’il est coupable, rien de plus équitable ! mais pourquoi frappe-t-il vainement au seuil de la justice qui défend ? L’image que la statuaire nous donne de la justice est complétement fausse pour l’indigent. Le bandeau dont on couvre ses regards ne lui semble pas l’emblème de l’impartialité, mais de la cécité : car elle a des yeux pour ne le pas voir ; elle a des oreilles pour ne pas l’entendre, des lèvres pour ne lui point parler. Les plateaux de sa balance ne sont pas en équilibre ; il y a dans l’un un sac d’or qui y pèse aussi lourd, aussi implacable que