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grandira au milieu des fangeux hôtes des prisons comme la graine apportée par un tourbillon sur le fumier d’une basse-cour. À ce contact perpétuel d’êtres tout à fait viciés, l’homme se noircit comme la main en palpant du billon. Malgré ses remords d’une première faute, malgré son intention formellement arrêtée de se réhabiliter, il subira la fascination de ses compagnons et, comme celui qui regarde la roulette, plein de répulsion pour le jeu, se laisse éblouir par la vue de l’or qui roule incessamment sur le tapis vert, de même les ignobles forfanteries, l’exaltation cynique, la glorification des crimes réagiront forcément sur l’âme de ce coupable. Il s’enivrera aux louanges qu’on prodigue aux assassins ; les monstrueux sophismes qui frappent journellement ses oreilles, étoufferont en lui toute voix intime, tout cri du cœur, et le voleur jeté par la loi dans une prison en punition de sa faute, sortira de cette prison aguerri et prêt à commettre les plus épouvantables crimes. La pensée en est en lui, et, il faut le dire, entre la pensée et l’exécution il n’y a que l’occasion.

Admettons maintenant le système cellulaire ; que chaque criminel ait son cachot séparé et ne puisse en aucune façon communiquer avec ses pareils : voici les résultats positifs qu’on obtiendra ; l’abattement terrassera les prisonniers qu’une exaltation fiévreuse surexcite, comme nous venons de le prouver ; les moins coupables ne seront pas exposés à devenir pires ; les plus criminels, si endurcis qu’ils soient, céderont à l’ennui mortel de la solitude. Voici donc le mal prévenu, voyons maintenant les remèdes à apporter au système cellulaire qui, envisagé absolument, offre de grands dangers, comme la folie et le suicide, par suite de ce profond ennui dont nous