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nacé son repos ou qui a attenté à sa sûreté ; mais elle ne peut, elle qui a dans cette vie le pouvoir en main, comme Dieu l’a dans sa dextre en l’autre, elle ne peut rendre héréditaire le châtiment, puisque le crime ne l’est point. La race de Caïn n’est pas responsable du meurtre d’Abel. Et cependant, qu’on y songe ; par absence de son chef, la famille souffre souvent. Mais, dira la société, est-ce ma faute si ce chef a mérité les galères à perpétuité, mort morale, ou l’échafaud, mort matérielle ? Non ! la société est étrangère à ceci ; mais les enfants du coupable n’ont en rien trempé dans le crime, et, nous le croyons fermement, la société devrait tenir lieu aux orphelins du père que la justice leur enlève. Une illustre cantatrice a donné ces mois derniers, un bel exemple de cette adoption. Madame Rosine Stolz, attaquée par M. Champein, obtint un jugement qui condamnait celui-ci à lui payer dix mille francs de dommages et intérêts. Trop pauvre pour se libérer de cette dette, M. Champein s’expatria, laissant à Paris sa fille, pauvre enfant sans ressources et sans espoir ; madame Stolz l’ayant appris, la recueillit chez elle et s’engagea par acte authentique à subvenir aux frais d’entretien et d’éducation de la fille de celui qui avait été son ennemi.

La société si omnipotente ne pourrait-elle imiter la pensionnaire de l’Académie royale de musique ?

C’est encore se tromper que de croire que morte la bête… mort le venin. Racine l’a dit avant nous :

Un seul jour ne fait pas d’un mortel vertueux,
Un perfide assassin, un lâche incestueux,
Quelques crimes toujours précèdent les grands crimes.

Ces quelques crimes du poète ne sont pas atteints par le glaive de la justice humaine, ou ne sont par lui que peu entamés et viennent, jusqu’au jour des