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NEUVIÈME ARTICLE.


La question que traite aujourd’hui M. Sue est des plus graves pour le repos présent et l’honneur à venir de la société.

« Un criminel, dit-il, sera jeté au bagne pour sa vie… Un autre sera décapité… Ces condamnés laisseront de jeunes enfants… La société prendra-t-elle souci de ces orphelins,… de ces orphelins qu’elle a faits… en frappant leur père de mort civile ou en lui coupant la tête ? Viendra-t-elle substituer une tutelle salutaire, préservatrice à la déchéance de celui que la loi a déclaré indigne, infâme… à la déchéance de celui que la loi a tué ?…

» Non !… morte la bête… mort le venin… dit la société. Elle se trompe. Le venin de la corruption est si subtil, si corrosif, si contagieux, qu’il devient presque toujours héréditaire ; mais combattu à temps, il ne serait jamais incurable. »

Oui, la société se trompe ! les orphelins que font le boulon du bagne et le couteau de la guillotine méritent sa sollicitude. La société, en mainte circonstance, adopte les enfants de ceux qui sont morts pour elle, elle devrait adopter aussi les enfants de ceux qu’elle tue. Les orphelins de la gloire, les orphelins de l’infâmie devraient avoir part égale dans son affection : car ni les uns ni les autres n’ont mérité l’abandon, et ceux-ci sont encore plus malheureux que ceux-là ; or, partout et en toute circonstance, le malheur est à plaindre et à soulager.

Certes, la société fait bien, puisqu’elle croit bien faire, de retrancher de son sein le criminel qui a me-