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pour aller dans les steppes boueux du vice et de la misère chercher les malheureuses que la souffrance a dégradées ? Pures, riches, honorées, elles ne reculent pas devant les prostituées méprisables, avilies, en haillons ; elles mettent à nu les plaies et y appliquent le dictame de leurs consolations ; saintes femmes, elles comprennent cette belle et sublime tâche que Dieu a faite aux heureux de la terre, de secourir les pauvres et les infirmes ; elles comprennent que « l’esprit, le cœur s’agrandissent lorsqu’on les applique à de si nobles occupations !… qu’ainsi que le dit Rodolphe, il semble que l’on participe un peu au pouvoir de la Providence en secourant ceux qui méritent. »

Rien ne leur coûte ; elles ne reculent devant rien, fortes qu’elles sont de leur mission ; le matin, avant de quitter leurs somptueux hôtels, elles embrassent au front leurs blondes et pures jeunes filles, et alors une joie ineffable leur vient au cœur en comparant l’existence riante et parfumée de leurs enfants à la vie dure et sombre de leurs protégées. Dans leur gratitude envers le Créateur, pour le remercier du bonheur qu’il leur a dispensé, elles s’attachent aux malheureuses déchues et s’efforcent de les ramener au bien, afin d’acquitter leur dette.

Rien ne leur coûte, avons-nous dit : beaucoup ne comprendront pas ou comprendront mal ces paroles ; sacrifier quelques belles heures, toutes dorées de soleil et de plaisir, c’est quelque chose ; délaisser une société élégante, gracieuse, polie, spirituelle, distinguée, pour se mettre en contact avec des voleuses et des prostituées, c’est beaucoup ; se souvenir et témoigner sa reconnaissance à celui qui a semé des fleurs, creusé des fontaines, arrondi des berceaux touffus, fait mûrir des fruits, sur le passage de ce monde,