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Ceci est logique, raisonnable, et la mère est condamnée parce qu’enfin la maternité est une sainte chose ! Il est vrai que ces premiers tressaillements de l’enfant, qui font rayonner le bonheur sur le visage de l’épouse, n’ont amené que la honte à son front ; il est vrai que cette pauvre fille s’enveloppant dans les derniers lambeaux de sa pudeur a comprimé ces élans qui pouvaient décéler sa faute aux yeux de tous ; il est vrai que pendant neuf mois sa vie a été pleine d’angoisses et de tortures ; il est vrai que deux petites lèvres roses ne se sont pas attachées à son sein et n’ont pas fait jaillir de son cœur, en même temps que la source de la vie, cet amour immense, sublime, frénétique, l’amour maternel ! Il est vrai qu’après tant de misérables ruses pour cacher sa honte, l’enfant allait tout dévoiler ; il est vrai qu’après ces neuf mois de souffrances aiguës, poignantes, la naissance de cet enfant est venue porter le dernier coup à son âme blessée, endolorie, saignante ; que cette dernière douleur, immense, écrasante a tué sa raison, qu’elle était folle, tout cela est vrai, mais la maternité est une sainte chose.

Peut-être que, dans ses nuits sans sommeil, cette misérable femme songeait à l’avenir de l’être qu’elle portait dans son sein ; peut-être, à travers ses larmes et ses tortures, voyait-elle bien d’autres larmes, bien d’autres tortures pour la chair de sa chair, mais la maternité est une sainte chose. Donc, elle est condamnée ; quant au séducteur, il reste bien tranquillement chez lui, à moins pourtant que la fantaisie ne lui prenne de se mettre à la fenêtre pour voir exécuter son ancienne maîtresse.

« Qu’un pauvre misérable, autant par besoin que par stupidité, contrainte ou ignorance des lois qu’il ne sait pas lire, achète sciemment une guenille pro-