Page:Sue - Les mystères de Paris, 10è série, 1843.djvu/327

Cette page a été validée par deux contributeurs.

n’avait pas mangé depuis trente-six heures et avait couché dans les champs, à la belle étoile. Du reste, nous avons vu là de beaux exemples de charité. Une ouvrière qui venait d’acheter un pain en a donné la moitié à ce malheureux, et une pauvresse de l’église voisine l’a emmené chez elle en lui promettant d’allumer son dernier fagot pour le réchauffer. De tels actes n’ont pas besoin de commentaires.


CINQUIÈME ARTICLE.


M. Sue aborde cette fois la question de l’infanticide, et après avoir représenté une jeune fille pauvre séduite par un riche, il met les paroles suivantes dans la bouche de ce dernier :

« Cette malheureuse était vertueuse et pure, c’est vrai… Je l’ai séduite, c’est encore vrai ; mais en cela j’ai usé d’un droit imprescriptible, d’un droit sacré que la société me reconnaît et m’accorde. Il n’y a pas de loi qui défende cela. »

Il n’y a pas de loi qui défende cela, et cet homme sera excusé ; tout le mépris, toute la peine accableront la pauvre fille. Pour elle point de pitié, point de circonstances atténuantes, elle a tué, il faut qu’elle meure. Ce raisonnement est logique, mais pourtant ne devrait-on pas examiner les précédents du crime. Les jurés qui votent froidement l’arrêt de mort ont la conscience tranquille en se disant : Pardieu, nos filles ne sont pas d’une autre chair, et nos filles sont vertueuses. Donc, faillit qui veut. Hélas ! non, ne comparez point les enfants du pauvre et celles du riche ; ces dernières n’ont pas de désirs, la vie dorée leur appartient ; ce qu’on est convenu d’appeler le bonheur,