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et cependant les sanglots qu’on entend à l’intérieur ne sont pas moins déchirants, pas moins amers.

Clémence d’Orbigny, malheureuse sous le toit paternel, a consenti à épouser le marquis d’Harville. Ils sont seuls et, dit l’auteur :

… « Elle se résigne, et puis au lieu d’entendre des paroles remplies de reconnaissance, d’amour et de tendresse, qui la consolent du bonheur qu’elle a donné… elle voit rouler à ses pieds un homme égaré qui se tord, écume, rugit dans les affreuses convulsions d’une des plus effrayantes infirmités dont l’homme soit incurablement frappé. »

N’est-ce pas là pour cette jeune fille une épouvantable révélation ? Son mari, celui qui doit toujours rester près d’elle, est épileptique ! Toute une vie de souffrances et d’angoisses. Épier à chaque instant sur le front de cet homme une ride, un nuage, symptômes de la tempête, trembler à la moindre contraction de son visage, s’effrayer d’un geste, tressaillir devant un regard, avoir peur le jour, avoir peur la nuit, avoir peur sans cesse, et puis, quand l’accès se déclare, que cet homme tombe sur le parquet et s’y débat avec l’affreuse maladie, la bave aux lèvres et le sang aux yeux, n’avoir contre cette folie furieuse que ses larmes et ses prières ; larmes inutiles, prières impuissantes ! enfin, entendre la voix de la fatalité bourdonner à son oreille : Voilà ta vie, jeune fille ; aujourd’hui ressemble à hier, demain sera comme aujourd’hui. Les jours, les nuits, les mois, les années passeront, mais ta douleur, mais tes tortures ne passeront pas. Souffre, souffre et n’espère point : l’épilepsie est incurable. Souffre, car cette maladie n’est pas mortelle !… Ton mari vivra, vivra longtemps…