cent de l’abandonner au froid d’une nuit d’hiver, dans les champs, et, quoiqu’ayant la rage au cœur, l’aveugle est obligé de se soumettre à leurs humiliantes conditions et de demander pardon, lui, le Maître d’école, à cette femme et à cet enfant qu’il aurait pu autrefois écraser dans sa main. Certes, voilà pour cet homme une peine immense, écrasante, digne de ses crimes.
La mort du criminel ne venge pas la société, matériellement parlant, elle la purge d’un mauvais membre. Cette élimination est le seul but où conduise l’échafaud ; et puis la peine de mort répugne à beaucoup ; les jurés reculent quand il s’agit de briser ce que Dieu a créé et ce qu’ils ne sauraient rétablir ; la crainte d’une erreur comme celle qui a coûté la vie à Lesurques, la peur de rêver du sang innocent injustement répandu et plus encore ce sentiment instinctif qui se trouve au cœur de tout homme de bien et qui se révolte à l’idée de tuer une créature de Dieu, font admettre les circonstances atténuantes. Le bagne reçoit le condamné, mais il est rare que les grilles soient assez solidement scellées pour empêcher une évasion ; alors la société se trouve menacée dans ses biens et dans sa vie.
L’aveuglement la purgerait à l’égard de la peine de mort et plus complètement au même cas ; il est, comme l’enfer de Dante, sans espérance. De plus, il offrirait le moyen de remplacer en partie, et raisonnant toujours au point de vue matériel, ceux que le crime aurait frappés : il est de ces travaux purement mécaniques et régulièrement organisés qui ont assez du bras. Maintenant, dans une sphère plus large et plus noble d’idées, l’aveuglement nous semble préférable encore à la peine de mort, parce qu’il permet à la société d’arriver à ce terme élevé que Dieu lui a assigné : moraliser !