D’où vient qu’elle paraît rêveuse, presque triste ?
Est-ce qu’en sa douleur toujours elle persiste ?
D’où vient cet air pensif et cette gravité ?
Objet de tous les vœux, et si jeune et si belle,
Presque reine ici-bas, de quoi rêverait-elle
Si ce n’est de félicité ?
La céleste Amélie, elle n’est pas sans doute
De ces cœurs inquiets que le calme redoute,
À qui l’ambition livre mille combats,
Que le besoin d’aimer assombrit et consume,
Qui partout, qui toujours sentent, gros d’amertume,
Qu’ils sont esseulés ici bas !
Mais, pourquoi rougit-elle ? est-ce que dans son âme
L’amour éveillerait une secrète flamme ?
Je tremble au bruit lointain d’un présage cruel…
Oserais-tu l’aimer, toi que brave on surnomme ?
Un sentiment terrestre et surtout un cœur d’homme
Ternirait cette fleur du ciel.
Et toi, dont l’œil puissant sur son avenir plane,
Eugène, garde-la de tout souffle profane ;
D’innocence et de paix que ses jours soient tressés ;
Que le portrait vivant qui frappe sa mémoire
Ne demeure à ses yeux qu’un fantôme illusoire,
Que son cousin des temps passés !
Page:Sue - Les mystères de Paris, 10è série, 1843.djvu/296
Cette page a été validée par deux contributeurs.