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À toi, peintre du mal, artisan de prodiges,
Le droit de nous plier au joug de tes prestiges,
De fasciner les yeux, d’égarer la raison,
D’imposer tes instincts pour seules jouissances,
De nous accoutumer à tes larges licences,
Comme Mithridate au poison !

Et, chose inexplicable ! aussitôt qu’on te blâme,
Que de rougeur au front ! que de regrets dans l’âme !
Soudain on se rétracte, on s’accuse d’erreurs,
On se croit un athée, on se croit un Vandale
De fouler sous ses pieds cette fleur de morale
Qui croît au sein de tes horreurs !

Où te couronnas-tu de ce pouvoir immense
Qui fait, en confondant la raison, la démence,
Que nous t’abhorrons tant et que tant nous t’aimons ?
Qui répandit sur toi ces contrastes étranges ?
Qui sema dans ton cœur la science des anges
Et la science des démons ?

Dis-nous à qui tu dois ces formes, ces langages
Si riches de couleurs, parés de tant d’images ?
Serait-ce au vieux Protée ? à l’ombre de César ?[1]

  1. On sait combien Protée revêtait de formes, et combien César parlait de langues.