Page:Sue - Les mystères de Paris, 10è série, 1843.djvu/166

Cette page a été validée par deux contributeurs.

blesse avec amertume, elle n’est pas tellement absorbée par la pratique et par les austérités de la vie religieuse, que le passé ne lui apparaisse sans cesse non-seulement tel qu’il a été… mais tel qu’il aurait pu être.

— « Je m’en accuse, mon père — me disait-elle avec cette calme et douce résignation que vous lui connaissez ; — je m’en accuse, mais je ne puis m’empêcher de songer souvent que, si Dieu avait voulu m’épargner la dégradation qui a flétri à jamais mon avenir, j’aurais pu vivre toujours auprès de vous, aimée de l’époux de votre choix. Malgré moi ma vie se partage entre ces douloureux regrets et les effroyables souvenirs de la Cité ; en vain je prie Dieu de me délivrer de ces obsessions, de remplir uniquement mon cœur de son pieux amour, de ses saintes espérances, de me prendre enfin tout entière, puisque je veux me donner tout entière à lui… Il n’exauce pas mes vœux… sans doute parce que mes préoccupations terrestres me rendent indigne d’entrer en communication avec lui. »